Moto Hagio Anthologie se divise en deux recueils, De la rêverie et De l'humain, réunis dans un beau coffret pour un total d'environ 600 pages au prix de 25€.
Visuellement, la sobriété est de mise, le coffret étant blanc orné d'une délicate illustration en noir, la couverture De la rêverie étant argentée et celle De l'humain dorée, respectivement
illustrées avec des dessins en bleu et en marron. On peut regretter
l'absence d'illustrations couleurs en couverture, mais il se dégage une
certaine classe de l'ensemble. Le papier couleur
crème - ce qui m'a surpris - est bien épais.
L'éditeur a eu le bon goût d'inclure dans chacun des recueils une préface sur Moto Hagio et une
biographie de l'auteur à la fin De la rêverie. Par ailleurs, chaque histoire se termine par un
court commentaire, la resituant dans l'œuvre de l'auteur et évoquant les thèmes qui y sont abordés.
Les neuf histoires contenues dans l'anthologie ont été clairement sélectionnées avec soin. Des thèmes forts et chers à l'auteur sont présents dans les deux recueils : les relations parent-enfant, la question d'identité et de sexualité, l'amour et la mort. Le ton est généralement tragique, mais il y a tout de même quelques passages comiques dans certaines histoires. Graphiquement, c'est fin et la mise en page est maîtrisée. Ce coffret est un bel objet qui constitue un excellent cadeau de Noël.
Ce qui m'a marqué depuis que j'ai découvert le travail de Moto Hagio avec A A',
un recueil d'histoires courtes de science-fiction publié par l'éditeur
américain Viz Media, c'est sa capacité à créer des ambiances captivantes, que ce soit dans ses histoires de science-fiction ou celles inscrites dans le quotidien.
La princesse iguane (1992 - 50 pages), un conte allégorique traitant de l'amour maternel, écho des propres difficultés de l'auteur avec sa mère, est une franche réussite. L'histoire était d'ailleurs présente dans l'anthologie américaine de Moto Hagio réalisée par Fantagraphics A Drunken Dream and other Stories, de même que Mon côté ange (1984 - 50 pages) avec ses sœurs siamoises qui interroge sur l'identité et l'apparence de façon troublante et dérangeante.
Le pensionnat de novembre (1971 - 50 pages) qui se déroule dans une école européenne pour garçons est en quelque sorte le pilote du Coeur de Thomas, mais l'angle est différent. Ainsi, les deux garçons qui se ressemblent, Thomas et Eric, se rencontrent. Un peu courte, l'histoire est surtout intéressante en comparaison avec le Coeur de Thomas(1974)
Pauvre maman (1971 - 30 pages) commence par un enterrement et l'arrivée d'un vieil ami de la femme décédée qui fait connaissance avec le petit garçon qui vient de perdre sa mère. A nouveau, il y a une réflexion sur la relation parent-enfant, ainsi que sur la mort.
Dans Le coquetier (1984 - 100 pages), on se retrouve en France à l'époque de la seconde guerre mondiale avec également un questionnement sur les relations entre mère et fils, mais aussi et surtout, sur la violence et le meurtre.
Un rêve ivre (1980 - 21 pages) est une histoire tout en couleur sur l'amour, le destin et la réincarnation, complexe à suivre par sa narration éclatée, elle n'en est pas moins fascinante. L'auteur reprendra avec brio le thème sous l'angle du clonage dans AA' (1981)
Nous sommes onze (1975 - 120 pages) est un huit-clos dans l'espace qui mélange les tonalités : humour, tragique et mystère se côtoient, tandis que sont développés plusieurs races extraterrestres permettant à l'auteur d'aborder la question de sexe et d'identité.
La suite de Nous sommes onze (1976-77 - 150 pages) n'a pas la force de l'histoire principale, mais offre une sympathique histoire de succession et de guerre.
Le petit flûtiste de la forêt blanche (1971- 30 pages) a une atmosphère fantastique, magique, poétique, et tragique. La forêt y joue un rôle important, à la fois belle et dangereuse comme dans l'histoire Bianca (1970, 16 pages) qu'on peut lire dans A Drunken Dream and other Stories. Les deux histoires sont en effet très proches dans leurs thématiques avec la forêt, la peinture et la solitude.
En bref, le coffret Moto Hagio - Anthologie en tant que sélection du meilleur d'une grande dame qui a marqué l'histoire du manga vaut largement le coup d'œil, et ce d'autant plus que les thèmes qui y sont abordés sont universels et que les ambiances de chaque histoire sont captivantes.