La puissance du silence chez Aoi Ikebe : Ritournelle et Au fil de l'eau

Acheter Ritournelle sur AmazonRitournelle et Au fil de l'eau sont deux titres de Aoi Ikebe parus dans la collection grand format Horizons des éditions Komikku, le premier tout en couleur, le second en noir et blanc.

Ritournelle aux doux tons pastels, se déroule dans un couvent dans un lieu indéterminé et à une époque lointaine. La narration est limpide. On suit la vie des habitantes du couvent : ménage, prières, chants, récolte, cuisine, repas, procession en ville...
Le focus est sur la sœur Marwena, une sœur modèle qui a la confiance de la mère et s'occupe avec dévouement de la petite Amilah, mais au fond de son cœur, elle doute...

Acheter Au fil de l'eau sur AmazonAu fil de l'eau, en noir et blanc, débute sur le repas de quatre sœurs dans un univers occidental pas si lointain de celui du couvent de Ritournelle, mais il se révèle très vite qu'elles n'ont d'existence que dans l'esprit d'une vieille dame assisse sur un banc au bord d'une rivière polluée et puante qui traverse une ville moderne.
Si la vieille dame qui rêve en toute liberté est le personnage central, elle n'est pas la seule à laquelle s'intéresse le récit : on passe d'un habitant à l'autre sans presque aucune transition. La narration est troublée comme l'eau de la rivière.

Les deux histoires proposées sont très différentes, et pourtant elles partagent de nombreux points communs. Déjà, les deux se déroulent à des époques et des lieux indéterminés, ce qui leur donne un caractère universel. Elles se rejoignent aussi dans leur façon de dépeindre le quotidien dans toute sa simplicité et sa richesse : repas, ménage, promenades... Et surtout, elles sont toutes les deux émouvantes, pleines de silences qui veulent dire beaucoup.
© 2013 Aoi Ikebe (AKITASHOTEN)

En effet, environ un quart des pages dans Ritournelle et Au fil de l'eau sont dépourvues du plus petit texte, et si on ajoute celles où il y a juste des bruits sans dialogue ainsi que les pages avec juste un titre de livre/disque ou de chapitres, on arrive à un tiers de pages sans dialogue ou même bulles ou encadrés de pensées.
Il faut noter cependant que dans ses pages muettes, quelques unes contiennent de la musique : on sait que les sœurs chantent dans Ritournelle, et qu'à deux reprises, dans Au fil de l'eau, l'homme qui se rêve chef d'orchestre écoute un disque que ses voisins entendent aussi en raison de la finesse des murs.
Autrement, dans les pages avec dialogues ou pensées, un quart ne contiennent qu'une bulle, voire deux. Les dialogues étant rares, cela donne davantage de poids et de valeur à ce qui est dit, tout en mettant en lumière ce qui ne l'est pas.



© 2014 Aoi Ikebe (AKITASHOTEN)

Il n'est pas exagéré d'affirmer que la moitié de ces histoires sont muettes. Ce côté muet confère une grande intériorité aux personnages, tout en laissant au lecteur la possibilité d'interpréter à sa guise.
A travers un sourire, un regard, une larme, une posture, un hochement de tête, c'est tout un tas de sentiments qui sont montrés et qui contribuent au sens. Les bâtiments eux-mêmes semblent exprimer quelque chose. Dans le silence, les images parlent.




En conclusion, Ritournelle et Au fil de l'eau de Aoi Ikebe,  possèdent une atmosphère unique où le silence qui règne ne rend le tumulte des cœurs que plus apparent.